top of page

L'ATELIER QUE VOUS NE DEVRIEZ JAMAIS PROPOSER À VOTRE ÉQUIPE

Attention, cette histoire est inspirée de faits réels. Âmes sensibles s'abstenir.


L’action se passe il y a quelques mois. Je reçois une demande de la part de la directrice d’une équipe d’un grand groupe. C’est une équipe multi-culturelle d’une trentaine de personnes dont les membres travaillent pour la plupart à distance, depuis des pays différents et exercent des métiers différents. L’équipe est composée de managers et de non managers. Il est prévu qu’ils se réunissent à l’occasion d’un séminaire dans une ville très touristique.


La demande est urgente, comme toujours !



Il faut proposer un atelier de 2h en anglais pour la semaine suivante, avec les pré-requis suivants :

🦄 Intervenir à distance, en fin de journée, l’équipe étant quant à elle sur son lieu de villégiature

🦄 Permettre au donneur d’ordre de « découvrir les personnalités et sensibilités de chacun »

🦄 Si possible à l’aide d’un test de personnalité comme il en existe tant (le MBTI est mentionné).


Coupez – arrêt sur image


Pourquoi la scène d’ouverture est-elle choquante ?


L’équipe va décompresser à Barcelone, Marseille ou Lisbonne, les directeurs et directrices interviendront pour partager la vision au bord de la piscine, les dîners permettront de mieux faire connaissance avec ses collègues du bout du monde, et puis comme ce serait dommage de ne pas profiter du créneau de 18h à 20h du jeudi, on va proposer à une coach d’animer un p’tit atelier sympa.


Ça semble sympa… Mais comme souvent, le diable se cache dans les détails. Ici les détails sont les intentions du donneur d’ordre, la déontologie de la coach, son professionnalisme même.


Faisons quelques gros plans sur les détails de l’histoire :


L’intention du donneur d’ordre


L’intention affichée est de « découvrir les personnalités et sensibilités de chacun », sous la forme d’un atelier « sympa ».


2 remarques :


Sur le fond, « découvrir les personnalités et sensibilités de chacun » prend un tout autre sens quand c’est votre manager ou un dirigeant qui vous annonce le programme. Le doute est permis… Le radar déontologique de la coach s’active également. Un coach n’est ni le bras armé ni l’espion du manager, qui va grâce à ses tests ou autres outils magiques, lui dévoiler qui est bon ou mauvais, engagé ou démissionnaire, « corporate » ou pas…


Quant à la forme, elle s'inscrit d'emblée dans le registre de « l’organisation d’un p'tit atelier sympa ». C’est une chose que j’adorerais faire si j’étais GO au Club Med ou traiteur ! Mais mon métier c’est le conseil et le coaching d’équipes en entreprise. Parmi les outils dont dispose le coach d’équipes, il peut y avoir des ateliers, des sessions de travail, du team building… Chacun de ces modules répond à un objectif bien précis et s’inscrit dans un dispositif d’accompagnement complet. Donc, quand on accompagne une équipe, toujours se poser en amont les questions : dans quel but organiser tel ou tel atelier ou session ? Avec quel objectif professionnel ? Avec quelle intention ? Qu’est ce que j’en attends ? Est ce que cela va réellement permettre de travailler SUR l’équipe ?


La réalisation manque d’ambition


Vous l’avez deviné c’est un euphémisme…

Nous parlons d’une équipe multi-culturelle, à distance, multi-métiers, de personnes qui ne sont pas habituées à se côtoyer ni à travailler ensemble.

Le fossé entre cette situation de départ et la situation idyllique espérée d’un groupe de personnes qui « apprennent à se connaître » et « découvrent leurs personnalités et leurs sensibilités » est très profond ! Il est trop profond pour être franchi en deux heures, à distance, en début de soirée, avec 30 personnes qui ne parlent pas la même langue et ne se connaissent pas. Au-dessus du fossé, il n’y a pas de passerelle, pas de petit pont de bois, pas de mécanisme de rappel… Non, au contraire il y a une embûche de taille : l’atelier réunit des managers et des managés, des managers et des dirigeants. Il n’y a aucune raison de penser que la parole soit entièrement libérée, sincère, authentique. Bref, il manque un élément essentiel à la réalisation de cet atelier : la confiance.


La déontologie est la grande oubliée du script


Le lien de confiance ne se décrète pas. Un atelier ayant pour vocation de « découvrir les personnalités et sensibilités » des uns et des autres repose pourtant quasi exclusivement sur le postulat de la confiance. Or, un atelier tel que décrit par le donneur d’ordre reviendrait abruptement à « faire de l’individuel en collectif », ce qui pourrait éventuellement susciter de l’empathie ou de l’émotion sur l’instant, mais aussi amorcer des bombes à retardement pour la suite.


Vient ensuite le sujet des tests de personnalités (type MBTI ou autres). Ce sont des tests qui doivent être maniés avec précaution, par des personnes habilitées à le faire, et selon un protocole respectueux de la personne. En deux mots, ce ne sont pas des tests qui se font, ni même dont les résultats se découvrent ou s’analysent, encore moins se partagent, à 30 et à distance. Ces tests doivent en premier lieu être présentés aux personnes qui souhaitent les passer : quel est leur fonctionnement, dans quelles conditions peut on les passer ou pas (stress, étapes de vie, émotions du moment), comment ces conditions peuvent influer sur les résultats des tests, pourquoi le résultat découvert à un moment donné pourra évoluer au cours du temps, pourquoi il est important de considérer chaque résultat, ou profil, comme valable, car il n’y a pas de « meilleur » profil que d’autres.

Ensuite, les personnes, surtout dans un cadre professionnel, doivent être libres de le passer ou pas.

La confidentialité des résultats doit être garantie.

Le partage des résultats ne peut donc en aucun cas être une obligation, ou un rituel de passage, encore moins un critère de sélection ou d’avancement. La dérive serait d’attribuer à chaque profil une étiquette.

Enfin, la découverte et l’analyse des résultats doit être accompagnée et encadrée par le ou la professionnel(le) ayant en charge la passation des tests.


Il est normal néanmoins que ces tests soient tentants. Ils sont à la mode, ils intriguent, ils existent en version « édulcorée » ou « dégradée » réalisables en quelques minutes seulement. Cependant il n’est pas sans conséquences de se lancer dans cette aventure dans le milieu professionnel, sans intention de départ claire, et sans précautions déontologiques strictes.


Et s’il était possible de changer l’histoire ?


Voici deux propositions en guise d'alternative :


1/ Si la contrainte des 2 heures et des 30 participants est forte


Je préconiserais un atelier qui permette aux personnes de mieux se connaître au sein de petits groupes de 4-5 personnes, ni trop intrusifs ni trop impressionnants, et surtout autour d’un objectif commun relatif à la vie professionnelle de l’équipe. L'activité serait bien entendue guidée. A mon sens ce type d’approche permet de combiner 2 angles : 🔵 humain et relationnel : apprendre à se connaître autour d'une réalisation ou d’un objectif communs, via le « travail » en petits groupes 🔵 professionnel, autour de l’objectif d’équipe fixé en amont, qui peut tourner autour d’un projet d'équipe, de la vision… Enfin, c'est une démarche qui incite à poursuivre le dialogue : quelles questions sont ressorties de cet atelier ; quels sont les axes prioritaires ; quelles sont les valeurs fortes de l'équipe... ?


2/ Si l’objectif premier est de « découvrir les personnalités et sensibilités de chacun »


Il s’agit alors d’un vrai travail de fond et de qualité. Si ces critères ne sont pas réunis, les équipes le sentent et perdent confiance en leur management. Afin de renforcer les liens au sein de l’équipe par la connaissance de ses rouages et de ses inter-relations, il serait judicieux de commencer par des entretiens individuels qualitatifs menés par un tiers (a minima une autre personne que le manager direct). Les retours anonymisés permettraient ainsi de faire émerger les réels sujets de frictions, de préoccupation, mais aussi les fiertés et réussites, les questionnements, les doutes et les souhaits, afin de démarrer un travail en équipe sur des bases concrètes, non biaisées et utiles.


Oui, c’est un réel investissement en temps et l’implication requise est forte. Les résultats n'en seront que plus utiles et plus durables… A méditer pendant le générique de fin !


N’hésitez pas à me contacter si vous voulez revoir le scénario de votre vie en équipe !




Comments


bottom of page